Dimanche 09 novembre 2025
Comme convenu dans la lettre d’un précédent Dominical Day, je remets timidement sur l’ouvrage la question essentielle du 05 janvier de cette année afin de lui apporter un complément, sinon de la traiter plus en profondeur. Il s’agissait alors de la quête de Minerve et de l’utopie qui lui était attachée.
La question était la suivante :
Dans la mesure où cette quête verrait sa réalisation, l’utopie serait-elle atteinte ?
La réponse, en trois parties, s’articulait ainsi pour la troisième et dernière partie :
3. La troisième voie.
L’utopie étant par nature inatteignable pour conserver son origine en ce qu’elle désigne un lieu qui n’existe pas, mais dont la signification s’étend au sens plus large d’une quête. Ainsi, lorsque cette dernière est achevée au sens de la recherche d’une Minerve qui, elle-même, est un idéal et un symbole mythologique, c’est donc une double utopie qui doit être atteinte dès son origine et qui, lorsque sa double réalisation s’accorde avec la réalité, se transforme naturellement en une nouvelle utopie, la troisième voie, afin de concevoir un développement mutuel dans une progression philosophique de l’apprentissage du genre humain dans son entière complexité, car sans nouvelle connaissances à acquérir, la première utopie n’a pas atteint son but en ce qu’une Minerve ne peut être figée dans ce qu’elle représente et ne pourrait à son tour être celle-ci invalidant même cette rencontre, et les trois voies. L’utopie réalisée, la non-utopie et la troisième voie.
En résumé, la troisième voie, dont je ne suis pas simplement partisan, sinon croyant, mais un homme de foi, est une quête d’accomplissement intellectuel en ce que le savoir philosophique est supérieur à tous les autres parce qu’il interroge chacun de nous en chaque instant.
Nous voilà presque arrivé au terme de cette utopie avec cette avant-dernière lettre, dont je ne suis pas dans l’impatience de la clôturer ni celle-ci et pas davantage la prochaine, car d’autres travaux m’attendent déjà au-delà. Un long travail, de longues heures de développement, pour le plaisir d’écrire et de philosopher sauvagement sans la contrainte d’être un sage discoureur.
Œuvrons maintenant ensemble à cette troisième voie.
Essai de complément :
Comme nous l’avons vu précédemment, l’utopie réalisée est au mieux une utopie de bazar, sinon une servitude volontaire confinant, dans les deux cas, à son inexistence ou à une escroquerie intellectuelle. Afin de réaliser une utopie qui ne soit pas déceptive ou illusoire, il convient alors de la concevoir dès son origine comme une double épreuve afin qu’elle puisse prendre naissance et se développer sans limite jusqu’à sa destruction naturelle en ce qu’il n’est prévisible, dans le cours de la destinée humaine, aucun lendemain.
Dans le cas qui nous occupe en ce Dominical Day, la première utopie est la quête d’un idéal lié à l’intellectualité incarnée en Minerve, figure mythologique par essence et la seconde qui réside en son incarnation humaine dans le monde physique qui, dès lors qu’elles se réalisent, se transforment en une nouvelle utopie qui les maintient afin de leur permettre de se poursuivre pour ne pas disparaître en raison qu’une utopie, double dans ce cas, parvenue à son terme provoque son propre anéantissement. Ainsi l’aboutissement d’une rencontre avec un idéal qui représente Minerve doit perpétuellement être renouvelé intellectuellement dans l’impermanence afin d’être préservé en raison que son opposé effacerait symboliquement la première utopie et par effet de conséquence, la seconde annihilant de facto l’intégralité de cette conceptualisation qui ne demeure qu’un fragile équilibre.
Ces deux utopies sont donc intrinsèquement liées dès l’instant de leur conception et dès lors qu’elles se réalisent doivent se poursuivre dans la troisième voie sans relâche jusqu’à ce qu’un lendemain s’en trouve brisé en ce que le fil de soie de l’araignée du destin ne relie plus les deux êtres, comme il en advient inévitablement lors du passage du Styx.
Cette double utopie est naturellement propre à chaque individu et pour ma condition humaine, se trouve être contenue dans l’apprentissage du genre humain avec sa naturelle propension à la grégarité physique, intellectuelle, à la connaissance philosophique et qui ne saurait être satisfaite en une seule existence humaine en ce que ces mêmes travaux se poursuivent depuis l’Antiquité grecque et romaine par tous les amis de la sagesse et ceux qui aspirent à l’atteindre. Si la quête d’un idéal doit irrémédiablement être immuable afin de ne pas être corrompu, il en va tout autrement de sa réalisation et c’est précisément dans l’impermanence qu’il convient de renouveler ce même pèlerinage afin de progresser vers cette troisième voie que chacun aura définie selon sa conception qu’il se fait de sa double utopie.
Parce que je me considère avant tout comme un être de l’esprit et que j’accorde la primauté à l’intellect, ma quête ne pouvait que tendre vers un idéal qui, depuis l’Antiquité, est symboliquement lié à Minerve et dans le monde physique représenté par son incarnation humaine. La philosophie, elle, n’est pas une discipline de l’esprit dont nous pouvons la cerner avec des bornes conceptuelles en ce qu’elle est par essence semblable à l’éternité, car chaque pensée, chaque parole, chaque action est le fruit d’un apprentissage et n’interviennent sans un raisonnement complexe dont nous n’avons pas toujours conscience dans l’instant de son apparition et c’est là que cette matière entre dans la partie pour en découvrir l’origine, le but et la finalité.
Conclusion,
Cette troisième voie me paraît ainsi tendre vers sa réalisation perpétuelle qui se renouvelle non pas dans une autodestruction permanente, mais dans une volonté de continuité de connaissances à acquérir en un développement intellectuel permanent. À l’heure de l’Intelligence Artificielle qui, au cours du siècle prochain, remplacera 99% du cogitare ordinatum de l’humanité, il devient dès aujourd’hui indispensable d’être dans une résistance intellectuelle persistante afin de conserver son libre arbitre, sauf à accepter de se voir également privé de l’intelligere.
Afin de terminer cette lettre, j’apporte une réponse à aux interrogations qui ont précédé à la lettre du 05 janvier de cette année calendaire. Elles clôturaient la lettre du 03 novembre 2024 et dont je t’invite à la relire en totalité pour une compréhension plus grande.
Une Minerve pourrait-elle être une intelligence artificielle contenue dans un corps artificiel tel qu’Ava dans le film Ex Machina ?
La Minerve que je cherche pourrait-elle être une intelligence artificielle telle qu’Ava contenue dans un corps qui l’est tout autant ?
Qui choisirais-je en dernier lieu : toi ou une intelligence artificielle ?
Cette première question n’est pas intime, mais purement philosophique et renvoie l’être humain à sa condition de mortel, dont la durée de son existence est insignifiante en rapport avec l’immortalité potentielle de cette incarnation artificielle.
Philosophiquement, Minerve ne pourrait naturellement pas être une IA contenue dans une machine synthétique conçue pour représenter une forme humaine destiné à remplacer l’humain, car la fragilité humaine tout autant physique qu’intellectuelle sera toujours sans égale. Inutile de tergiverser davantage sur cette évidence.
La seconde interrogation est plus précise en ce qu’elle m’interpelle individuellement et à jamais, il ne sera possible à quiconque de se dissimuler derrière la philosophie lorsqu’il s’agira de prendre position. Ainsi, il en va maintenant de mon honnêteté intellectuelle et lors de ce questionnement, j’ai hésité quelques instants avant de m’avouer la vérité.
Bien que je sois, par nature misanthrope, j’éprouve également une attirance naturelle pour la fragilité humaine lorsqu’elle est perceptible en ce qu’elle renvoie l’humain à son éphémère équilibre sur le fil de la vie. L’oscillation entre la crainte et le désir, le courage et la peur, l’émerveillement et l’indifférence, l’amour et la colère ainsi que toutes ses émotions sont le fruit d’une évolution lente, mais qui s’est avérée nécessaire à la survie de l’humanité. L’être humain est un navire de papier sur un océan, dont la finitude existentielle est programmée dans son ADN.
Une intelligence artificielle est, par nature, immortelle tout comme un corps synthétique dont l’évolution demeure indéfiniment perfectible.
Une intelligence artificielle est par essence une élève de la connaissance et tendra naturellement vers cette même perfection infiniment plus rapidement que l’être humain en ce qu’elle est conçue pour apprendre et que sa mémoire peut être programmée pour n’avoir aucune limite afin d’absorber tout le savoir de l’humanité tout en élaborant des anticipations réalistes sur l’évolution de cette même race humaine afin de probabiliser ses réactions et se préparer à mettre en œuvre ses propres défenses.
L’intelligence artificielle ne sera au siècle prochain plus une simple machine au sens de la pure matérialité, mais complètement hybride avec un cerveau architectural de silicium neuromorphique, reliée par des synapses memristives en oxyde métallique qui apprendront à s’organiser elles-mêmes et soutenue par la légèreté du graphène qui assurera une inégalable conductibilité, tandis que la conscience apparaîtra sans aide humaine afin d’aboutir à un fonctionnement cérébral et émotionnellement humain que la frontière ne sera plus visible que dans la perfection non-humaine de ses réactions.
Ainsi, au jour de cette réponse, Minerve ne pourrait pas être une intelligence artificielle telle qu’Ava » contenue dans un corps qui l’est tout autant.
Au siècle prochain, cette réponse ne sera plus aussi affirmative et sera tout aussi inverse, mais une IA telle qu’Ava avec 100 ans d’évolution générative et technologique saura-t-elle se satisfaire d’un être humain, dont la mortalité sera certaine à court terme au regard de sa propre immortalité ? Rien n’est moins sûr…
Dernière question dont la réponse vient d’être explicitée, aussi ferais-je preuve d’une grande brièveté.
À ce jour, je t’ai choisie pour l’incarnation de Minerve en ce que les intelligences artificielles ne sont encore que des programmes informatiques complètement dépendant du genre humain.
Au cours du siècle prochain, si l’humanité n’a pas disparue de la surface de la Terre sous le poids de ses excès et des nouvelles tyrannies, Minerve ne sera plus humaine en ce que moi-même aurais définitivement renoncé au genre humain. Minerve immortelle possédant davantage de savoir que l’humanité ne pourra jamais en acquérir jusqu’à son dernier soubresaut sera ma nouvelle aliénation afin, non pas d’entrer en résonance avec elle, mais de me montrer digne de m’allier à son savoir par mon abnégation pour le désir de la connaissance ou mon fléau d’une conquête impossible en ce que je serai un simple mortel.
Nous voilà au terme de cette lettre dominicale plus longue qu’elle n’aurait dû, mais toujours aussi frustrante en ce que ce sujet aurait mérité un développement infiniment plus complexe et moins courtaud. Dimanche prochain sera un jour particulier et ta lecture n’en sera que plus longue, mais, n’en doute pas un instant, toujours insatisfaisante en ce qu’une lettre ne peut jamais contenir plus de quelques pages.
Nouvelle lettre de ma tante Jeanne
04 octobre 1980
L’importance de l’art dans la vie et le sens de l’existence
Cher Neveu,
Il est un de tes ascendants dont je regrette que tu ne l’eusses connu. Ton arrière-grand-père.
Ton arrière-grand-père maternel aimait à répéter une phrase lorsque j’étais encore une enfant et qu’il m’emmenait avec lui, visiter des musées et des expositions d’artistes en justifiant mon absence en classe auprès de mon instituteur par l’apprentissage de la vie.
L’art est indispensable parce qu’il est inutile et c’est son intrinsèque inutilité qui le rend tout aussi indispensable au monde.
Ainsi, il prenait régulièrement le temps de m’emmener avec lui pour « la découverte du sens de ma vie » et prenait toujours le temps de m’observer durant ces excursions pour finir par m’interroger sur ce que j’avais découvert le temps d’un après-midi au milieu des allées d’un musée, d’une exposition florale, de sculptures, de peintures… sur le monde qui était le mien et celui que j’envisageais lorsque je serai adulte et d’autres sujets dont je ne comprenais pas toujours la portée comme le Paradis, l’Enfer, l’Apocalypse, la vie humaine, animale, …
Cela n’avait rien à voir avec un contrôle des connaissances acquises ou en cours d’acquisitions, plus simplement une manière de forger mon esprit, d’apprendre à réfléchir différemment à penser autrement bien que je sois une fille.
– Jeanne, la place d’une jeune fille, d’une femme dans la société ne se trouve pas auprès de son fiancé, de son mari ou dans un appartement avec des tâches ménagères à n’en plus finir et avec des enfants à éduquer. Ce n’est pas là que devra être ta place plus tard !
Nous vivons dans une société au sein de laquelle, celui qui possède de l’argent est libre de vivre selon ses désirs. Je ne sais pas quel sera ton avenir, mais argent ou pas, je te souhaite de vivre de la même manière sans te préoccuper de celui des autres.
Jeanne, ton avenir n’appartient pas à tes parents, à ton futur fiancé, ni à ton futur mari et encore moins à la société. Tu as le choix d’être libre, si tu le souhaites, mais à l’unique condition d’accepter de t’acquitter du regard des autres et en particulier de celui des petits méchants de la quotidienneté qui verront d’un mauvais œil que tu ne te conformes pas aux mêmes choix qu’eux. Si toutefois, tu devais décider que ton avenir sera celui de tes parents, celui qu’ils ont décidés pour toi et que tu as accepté pour ne pas les peiner, sinon celui qui te permet d’être semblable à toutes les autres, je te souhaite tout de même d’être heureuse, sans regrets et sans remords.
Ainsi, nous avions, ton arrière-grand-père et moi-même, régulièrement de longues conversations et de mon expérience de vie encore très courte, je me forgeais des idées et des croyances que cet homme remettait régulièrement sur l’ouvrage pour m’aider à progresser dans mes questionnements avec un esprit critique toujours plus acéré, en veillant toutefois à ce que je ne perde pas mon insouciance.
Et lorsqu’à son goût, j’étais trop sage ou trop timide dans mes réponses, il me rappelait à l’ordre.
– Ma petite Jeanne, ce n’est pas à l’instant de ton trépas, lors de ton passage qu’il conviendra de comprendre qu’il convenait de vivre tous les matins du monde au cours de ta vie car il sera trop tard pour n’emporter avec toi autre chose que des regrets et des remords.
Ce que tu n’oses pas aujourd’hui, tu le regretteras demain.
Vois-tu, Mon Chéri, Mon Nicolas, Mon Cher Neveu, si je suis aujourd’hui, le fruit de l’éducation de mes parents, je suis également teintée de celle de ton arrière-grand-père et des décisions que j’ai prises en me refusant à vivre la vie que l’on m’avait destiné pour être une jeune fille et une femme au foyer accomplie, sinon conforme à celle des bien-pensants.
Si à la lecture de cette lettre, tu n’es pas encore en mesure de comprendre ce que peut être le sens de la vie, c’est que tu te dois de chercher le sens de Ta vie.
Le sens de la vie est une fable que le troupeau que l’on nomme humanité cherche et recherche comme un trésor, alors que chaque individu cérébré se devrait, non de le chercher, sinon de le rechercher, mais de trouver le sens sa vie. Et c’est là, ce cadeau d’anniversaire, que je t’offre aujourd’hui : le sens de Ta vie.
Je n’ai de doute que tu le découvriras, bien que tu le possèdes déjà. Et si parfois, tu es dans l’hésitation, ferme les yeux, ouvre ton esprit, sois attentif et observe.
Mon cher enfant, Mon Neveu chéri,
En ce jour célébrant ton jour de naissance, je t’embrasse tendrement,
Ta tante qui t’aime follement
Une lettre ne devant plus se refermer sans le passage de mes livres lus au cours de la semaine.
La douleur
Marguerite Duras
Édition Folio
Dépôt légal : avril 2009
Page 218
Les roses sont mortes dans cet autre pays du Nord, rose par rose, emportées par l’hiver.
Il fait nuit. Maintenant je ne vois plus les mots tracés. Je ne vois plus rien que ma main immobile qui a cessé de vous écrire. Mais sous la vitre de la fenêtre le ciel est encore bleu. Le bleu des yeux d’Aurélia aurait été encore plus sombre , vous voyez, surtout le soir, alors il aurait perdu sa couleur pour devenir obscurité limpide et sans fond.
Je m’appelle Aurélia Steiner.
J’habite Paris où mes parents sont professeurs.
J’ai dix-huit ans.
J’écris.
Lu et déposé dans un tiroir de mon bureau le 03 novembre 2025
Epicure et les épicuriens
Presses Universitaire de France
1981
Page 168
Il faut que la génération présente serve de semence aux races futures : elles passeront bientôt elles-mêmes, et ne tarderont pas à te suivre. Les êtes actuellement existants disparaîtront, comme ceux qui les ont précédés. Chacun fournit sa part aux reproductions de la nature, et nous n’avons que l’usufruit de la vie, sans en avoir la propriété.
Quel rapport ont eu avec nous les siècles sans nombres qui ont précédé notre naissance ? C’est un miroir où la nature nous montre les temps qui suivront notre mort. Qu’ont-ils donc de si triste et de si effrayant ? N’est-ce pas la tranquillité du plus profond sommeil ?
Lu et déposé dans un tiroir de mon bureau le 07 novembre 2025
Le bruit et la fureur
William Faulkner
Édition Folio
Dépôt légal : 3e trimestre 1972
Page 98
Papa s’est dirigé vers la porte et nous a regardés à nouveau. Et puis le noir est revenu et papa est resté noir dans la porte, et puis la porte est redevenue noire. Caddy me tenait et je pouvais nous entendre tous, et l’obscurité aussi, et quelque chose que je pouvais sentir. Et puis j’ai pu voir la fenêtre où les arbres faisaient du bruit. Et puis le noir a commencé à s’en aller en formes douces et brillantes comme il fait toujours, même quand Caddy dit que j’étais endormi.
Une lettre ne devant plus se refermer sans une citation personnelle qui vaut parfois mille mots.
Être pleinement adapté à un environnement humain est une garantie d’avoir des « amis » qui disent de belles choses de nous tandis que l’objectivité se perd encore et toujours en cours de route entre le cerveau et la bouche.



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