Dimanche 15 septembre 2024

Parfois, il est des sujets des conversations dont on s’imagine toujours qu’il convient de les traiter avec gravité. Ce sont fréquemment des sujets tabous :  argent, droits de l’homme, environnement, handicap, inégalités sociales, politique, relations internationales, santé…

Aujourd’hui, il est un sujet que je souhaitais aborder avec toi, car il me concerne au premier chef et peut-être que toi également.
J’ai eu samedi une conversation (courte), mais révélatrice de ce que le genre humain, dans son immense majorité, n’est pas prêt à entendre, évite autant que possible tout en sachant que chacun de nous sera confronté à son échéance dans un avenir plus ou moins éloigné.
Tu te doutes de ce dont il s’agit, non ?
De la Muerte, la grande faucheuse, le passeur d’âme, de Thanatos, cette silhouette longiligne qui accompagne les vivants dans leur dernier voyage, au-delà du Styx, …

Cette conversation que j’aie eu samedi avec des collègues bénévoles, je l’ai déjà eu précédemment avec d’autres personnes dans un lointain passé et je n’ai rencontré personne qui avait conscience qu’elle était présente partout, qu’elle rôdait tout autour de nous, mais qu’elle n’emporte personne par hasard et pas une d’entre elles ne voulaient ni en entendre parler, ni l’envisager, ni même penser à elle.
La mort fait partie intégrante du cycle de la vie et si la plupart d’entre nous souhaite la rencontrer le plus tard possible, sinon en dormant au crépuscule de la vieillesse, il en est qui sont conscients que ce rendez-vous se profile à un horizon de quelques années, de quelques mois, sinon de quelques semaines sans qu’aucune médecine ne puisse empêcher de les ravir à leurs proches.
Chacun de nous la souhaite douce lorsqu’elle viendra déposer sur notre front son baiser, sinon d’une folle rapidité afin que l’on ne puisse se rendre compte de ce vacillement définitif.
Sa représentation angoisse, paralyse, terrifie, si bien qu’il est souvent plus confortable de détourner le regard et de ne pas penser à elle en imaginant qu’elle s’éloignera d’elle-même pour se saisir d’une personne que l’on ne connaît pas.
S’il est une échéance que l’on devrait toujours prendre conscience qu’elle est inéluctable et qu’il convient de la préparer, c’est précisément celle-ci. Rien à voir avec la préparation de l’après en choisissant sa petite boite rectangulaire avec sous sans poignée en or, satin ou soie pour l’intérieur et tout le décorum qui l’accompagne. Tout ça, c’est du folklore pour les suivants et leur permettre d’oublier que ce sera bientôt leur tour. Accessoirement pour rendre un dernier hommage au défunt dont les plus proches parents se partageront jusqu’à la dernière petite cuillère ou la pince à sucre dans des batailles interminables de boutiquier. Eventuellement le compte en banque.

L’ayant déjà croisée à plusieurs reprises avec des proches et d’autres personnes sans lien de parenté, je l’ai adoptée comme un membre de ma famille de sang depuis l’âge de 40 ans. Je sais qu’elle est présente quelque part, parfois plus proche que je ne l’imagine dans l’instant, mais nous nous sommes accordés autour d’un contrat et si son impatience ne surgit brusquement de par sa lassitude à devoir patienter, notre rendez-vous sera honoré avec prévenance et attention.
J’ai donc passé une alliance morale avec cette faucheuse qui ne repart jamais seule sur le chemin du retour et nous avons convenu d’une date à laquelle, je serai prêt à l’accueillir sans craintes, sans peurs, ni regrets, ni remords. Ce sera à un âge respectable après avoir vécu d’innombrables vies, de multiples aventures humaines sur l’océan de la vie et accompli quelques-uns de mes rêves tout en ayant contribué à rendre le monde meilleur, sinon régulièrement moins plus pire que la veille, malgré ma misanthropie légendaire. Ainsi, il me reste ainsi un temps déterminé d’une durée plutôt généreuse durant lequel je peux allègrement fouler le sol de l’humanité, poursuivre mes acquisitions d’œuvres d’art et d’antiquités afin de les soustraire au regard du monde, les conserver en sécurité avant de transmettre ce patrimoine, un jour prochain, à un collectionneur fou qui aura également cette folie acquisitionnelle au cœur de son ADN.

Pourquoi attendrais-je de gagner au loto pour réaliser mes rêves, d’être à la retraite pour profiter de ma vie, rendre le monde meilleur, voyager, prendre du temps pour moi, effectuer tout ce que tout au long de ma vie, j’aurai repoussé à plus tard en raison que je ne me suis jamais accordé de temps et pas davantage à autrui, me reposer enfin, chercher le sens de la vie, le sens de ma vie, mes clefs et mon chapeau, … ?
Désormais, depuis plusieurs milliers de jours, je me lève chaque matin en ayant conscience que je vis le premier jour du reste de ma vie, je ne me projette que rarement au-delà de la semaine suivante, je réalise mes projets, mes rêves, une partie de mon utopie, je conserve dans ce journal depuis peu des souvenirs pour moi, pour toi, pour nous parce que cela me semble aujourd’hui important et je me tiens à l’écart de la marche du monde, de la foule troupale, des gens, de la populace, de la politique et des petits méchants de la quotidienneté. En règle générale du genre humain hédoniste, épicurien, carpe diemiste et accessoirement des adeptes du mojito en terrasse ou en soirée, des téléphages, et de tous leurs coreligionnaires qui se catégorisent très bien tout seul dans l’ignorance et/ou la bêtise humaine.

Une contradiction de taille entre la semaine suivante et ce D-Day.

Parmi les questions qui me sont posées lorsque je converse sur le sujet du terme de mon existence, il en est qui reviennent toujours.
Comment puis-je savoir dès aujourd’hui, que je ne changerai pas d’avis ?
Aurais-je le courage d’honorer mon rendez-vous avec Thanatos le jour J ?
Pourquoi ce jour en particulier et à cet âge et pas plus tard ?
Comment vas-tu organiser ton départ ?
Personne ne se réveille en s’exclamant : Aujourd’hui est le dernier jour de ma vie, je dois en profiter avant qu’il ne soit trop tard !

Hey mec, il est trop tard, tant pis pour toi !

Lorsque je me réveillerai ce matin-là, tout sera prêt, tout aura été préparé longtemps à l’avance et pour être certain de ne pas manquer cette journée en raison que je suis parfois distrait, la date du dernier jour du reste de ma vie est tatouée sur ma peau afin que je ne puisse pas oublier, jamais, depuis l’âge de 40 ans.

Aujourd’hui, tout comme hier et demain, ce n’est pas dans l’urgence que se déroule mon existence. Je vis simplement en assumant mes choix et mes contradictions et je te cherche également, mais sans être non plus dans l’urgence de te rencontrer, en me refusant toutefois à toute aventure éphémère de quelque nature que ce soit, à toute rencontre non cérébrale, à toute normalité parce que l’exigence a toujours été de ma nature et que lorsqu’il s’agit de m’ennuyer, je préfère effectuer seul cette pratique plutôt que de la partager avec une autre personne.

J’ai hésité lors du développement de cette lettre dominicale à me laisser emporter dans la déraisonabilité qui parfois me caractérise par mon développement scriptural, mais pour épargner tes p’tits yeux de n’importe quelle couleur, il m’est apparu qu’un peu plus de 1200 mots seraient suffisant pour effleurer ce sujet sur lequel, nous ne nous accorderons peut-être jamais…

Bien à toi,
Nicolas

Post-scriptum,
À bientôt ?