Dimanche 26 octobre 2025
Comme convenu dans la lettre du précédent Dominical Day, je remets timidement sur l’ouvrage la question essentielle du 05 janvier de cette année afin de lui apporter un complément, sinon de la traiter plus en profondeur. Il s’agissait alors de la quête de Minerve et de l’utopie qui lui était attachée.
La question était la suivante :
Dans la mesure où cette quête verrait sa réalisation, l’utopie serait-elle atteinte ?
La réponse, en trois parties, s’articulait ainsi pour la première :
1. Une utopie qui se réalise complètement disparaît du simple constat qu’elle n’est plus et ainsi sa réalisation amène fatalement à l’anéantissement de cette croyance précédente qui ne peut avoir réellement existé et de son souhait de la voir véritablement se réaliser en une quête figée.
Oui l’utopie est atteinte, mais parce qu’elle était informulée de manière parfaite. La conception même de l’idée de l’utopie reposait sur une sémantique erronée qui n’avait d’utopie que la nom alors qu’il s’agissait d’un objectif réalisable sans difficulté.
Il s’agit donc là d’une simple utopie de bazar, conçue par des individus sans croyance et sans foi pour la populace. Un petit rêve doucereux, proposé par des aigrefins comme on en trouve tant dans l’univers médiatique et politique du XXIe siècle.
Essai de complément :
Une utopie désigne littéralement « un lieu qui n’existe pas ou non-lieu », ainsi, elle est par nature inexistante, mais n’implique pas l’impossibilité d’une création par la volonté ou par la transformation spirituelle d’un lieu qui pré-existe. Dans le cas d’un souhait de la réaliser, il s’agit de définir ce lieu qui n’existe pas afin d’établir les schémas fondateurs, de mettre en œuvre les raisonnements logiques nécessaires à son élaboration pour l’extraire de son inexistence lui permettant un devenir vers une réalité conceptuelle dans une matérialité cognitive. L’instant originel précédant le Big Bang primordial et donc la première expansion de notre univers provient lui-même d’une utopie en ce qu’il n’existait rien permettant d’être conceptualisé et que le néant ne pouvait non plus être présent en ce qu’il est déjà un lieu existant avec sa propre temporalité.
Une utopie est donc au mieux une abstraction purement métaphysique, sinon une impossibilité qui se contredit en ce qu’elle se définit comme un non-lieu, et qui pour être valable doit comporter son opposé en un lieu identifiable, sinon existant, car une définition qui ne comporte pas son opposition en miroir ne peut exister.
Dans le cas d’une création pure de l’utopie (Lieu qui n’existe pas ou non-lieu) il s’agit de le concevoir intellectuellement sans filiation avec un autre pré-existant.
Un lieu conçu et contenu dans la pensée se trouve donc précisément dans un non-lieu qui se définit par l’utopie et dès lors que la conception prend forme par la volonté, c’est une création qui se réalise et s’ancre dans un imaginaire réel tout en n’existant pas physiquement pour rester utopique. Dans le cas d’un lieu qui pré-existe, il s’agit de le transformer en utopie, et le vouer à une non-existence qui ne peut plus être réintégré identiquement dans le monde réel en sa matérialité originelle qu’il aurait définitivement perdu par sa condition utopique.
Ce raisonnement simpliste composé d’évidence est valable dans la définition stricte de l’utopie, mais doit maintenant s’articuler dans la notion étendue de la quête de Minerve et de la réalisation de l’utopie dès lors que l’objectif est atteint.
Si la quête est considérée comme pleinement réalisée, l’utopie disparaît de facto en ce qu’elle n’existe pas ou qu’elle ne l’était pas stricto sensu et n’était plutôt qu’une construction chimérique incomplète, sinon qu’elle n’avait pas pour objectif de se réaliser, mais d’uniquement de permettre la réalisation d’un souhait d’un individu psychiquement incapable de conceptualiser son utopie en un absolu atteignable.
Son porteur s’est donc leurré volontairement en se convaincant traîtreusement qu’il était en capacité de parvenir à orienter sa psyché et ses actions en vue de la réalisation et de l’accomplissement d’un objectif qu’il ne considérait plus comme utopique dès sa prise de décision, mais pleinement réalisable lui permettant ainsi dès lors de sa réalisation de stopper sa progression devenue inutile en ce qu’elle n’avait plus de nécessité, mais en omettant qu’un sujet qui n’est plus en mouvement vers son objectif initial implique que l’illusion utopique disparaît naturellement en ce qu’elle n’avait pas d’existence, sinon d’une inconsistance réelle n’ayant pour finalité que d’offrir un succédané provisoire afin de satisfaire une volonté incomplètement préhensible en raison d’une objectivation faussée de son réel désir inconscient.
C’est le principe même d’un désir qui apparaît fugitivement, pour aussitôt, disparaître qu’il est assouvi ou remplacé par un autre de valeur égale ou supérieure, rendant son hôte dépendant de ceux-ci, qui sont eux-mêmes déclenchés et entretenus par l’immaturité psychique du sujet et qui ne peut prendre conscience de celle-ci que par l’analyse de son comportement en ce qu’il provoque des émotions négatives récurrentes en raison même de désirs qui sont, au mieux, insatisfaits par leurs non-réalisations, sinon par la déception qu’entraîne le résultat qui n’égale jamais le résultat qui était originellement désiré.
Ainsi l’unique désir de réaliser l’utopie lié à la quête de Minerve est irrémédiablement voué à l’échec avant même de commencer en ce que sa formulation initiale était incomplète et ne pouvait en être autrement en ce qu’il n’était que désir assouvissable et tout aussi décevant en ce qu’il était destiné à disparaître sitôt réalisé par sa conception non utopique qui était contenue dans sa formulation par des idées préconçues et dont ces dernières proviennent en grande partie de souvenirs fantasmés, d’une immaturité psychologique, d’une croyance de sa propre surpuissance et d’une impossibilité introspective protégeant le sujet d’un effondrement psychique en raison qu’elles forment les fondations de sa personnalité.
Bienvenue au royaume de l’utopie de bazar promue pour la populace, le bas peuple bête à sucer des cailloux qui se l’appropriera en désirs fugitifs insipides tout en s’imaginant être heureux d’avoir atteint une forme de bonheur artificiellement composé de valorisation narcissique.
C’est précisément cette utopie de foire que j’exècre, en ce qu’elle me blesse l’âme d’incroyant religieux que je suis et qui renforce tout autant ma misanthropie m’affermissant dans l’idée que l’humanité ne mérite pas un seul jour son avenir et que je me montrerai toujours prompt à ne pas lever le petit doigt pour la sauver tout en toujours prêt à sacrifier ma vie pour en sauver une seule, car qui sauve une vie, sauve le monde.
Conclusion
C’est fausse utopie ou utopie de bazar, est atteinte en ce qu’elle n’était qu’un simple désir composé lui-même d’une psyché insuffisamment développée en raison d’une intellectuation et intellection limitées conduisant son porteur à une double erreur manifeste se répétant comme une ritournelle ne prenant jamais fin et qui aurait pu être évité dès lors que son auteur eut pris soin d’une forme de centripétisme autismologique qui est le propre de l’autisme, mais avec la possibilité pour chaque individu de le développer afin de permettre une nouvelle expiration composée de choix conscients afin de tendre vers une utopie qui, elle, peut se réaliser comme nous le verrons ensemble dans la lettre du dimanche 09 novembre 2025.
Une minerve aurait le légitime droit divin de s’offenser d’une telle quête, de la conception d’une utopie qui n’en porte ni l’essence ni même la philosophie, et d’en être courroucé en condamnant l’infortuné à la damnation.
Me voilà parvenu au terme de mon essai de complément pour cette première question et dont les deux prochains Dominical Day feront également l’objet d’un développement complémentaire pour les deux items suivants.
Que ta frustration soit manifeste devant un développement si courtaud, j’en accepte le blâme, mais il convient de se souvenir toujours qu’une lettre à une inconnue n’a jamais pour finalité d’occuper déraisonnablement le temps qui t’est imparti, te faire oublier que ton apprentissage doit s’effectuer par une bibliothèque personnelle conséquente que ce n’était qu’un complément, et singulièrement que cette missive se doit d’être aussi proche que possible de l’insoutenable légèreté de lettre quelle porte en elle.
Post-scriptum,
Cette infime quantité de minutes de lecture devrait théoriquement t’occuper quelques heures supplémentaires afin d’en permettre une analyse approfondie et plus encore si d’aventure tu prenais le temps nécessaire à une introspection concernant le temps que tu as vécu pour réaliser tes utopies de bazar et qu’il convient désormais de les reléguer à des erreurs de jeunesse intellectuelle.
Le sujet de l’utopie est un sujet qui a fréquemment interrogé les philosophes depuis Platon jusqu’à Michel Onfray et si ta préférence concernant l’utopie se dirige vers ce philosophe médiatique qui aime tant citer Platon, Schopenhauer et Nietzsche pour appuyer ses propos tout aussi régulièrement que ses souvenirs d’une enfance douloureuse, il convient de t’interroger de la raison qui t’incite à te rapprocher d’un philosophe qui aime tant la médiatisation.
Nouvelle lettre de ma tante Jeanne
05 septembre 1976
L’importance d’une alimentation saine pour la santé physique et intellectuelle
Mon doux Nicolas,
S’il est important pour ta santé physique que tu conserves ta vie durant, une alimentation saine, mesurée et dénuée de produits industriels majoritairement composés d’ingrédients chimiques, il en est de même pour ta santé intellectuelle en choisissant avec d’autant plus de soin tes lectures avec toutefois la particularité de ne pas être dans la parcimonie sur les ouvrages des illustres personnages qui ont vécu au cours des siècles précédents car ton intelligence sera en grande partie le résultat du nombre de ces lectures et de ce que tu en auras appris et retenu.
Si un jour, tu parvenais à ne plus voir ton pubis en simplement baissant la tête, tout en maintenant ton buste bien droit, c’est que tu auras négligé le conseil premier et si ton inculture t’empêchait d’observer le fonctionnement des sociétés humaines avec lucidité, c’est que tu auras omis le second et alors je serai déçu de savoir que tu as échoué alors que tu possèdes depuis ta venue au monde une particularité qui est de faire partie de ceux que l’on nomme « les petits professeurs » et dont j’espère que tu apprendras seul d’où provient ce terme et cette particularité qui est la tienne.
Ta tante Jeanne
Une lettre ne devant plus se refermer sans le passage de mes livres lus au cours de la semaine.
Le Monde d’hier
Stefan ZWEIG
Édition Le livre de poche
Achevé d’imprimer en juillet 2014 en Espagne par BLACK PRINT CPI IBERICA, S.L.
Page 506
Le soleil brillait, vif et plein. Comme je m’en retournais, je remarquai soudain mon ombre devant moi, comme j’avais vu l’ombre de l’autre guerre derrière guerre actuelle. Elle ne m’a plus quitté depuis lors, cette ombre de la guerre, elle a voilé de deuil chacune de mes pensées, de jour et de nuit; peut-être sa sombre silhouette apparaît-elle aussi dans bien des pages de ce livre. Mais toute ombre, en dernier lieu, est pourtant aussi fille de la lumière et seul celui qui a connu la clarté et les ténèbres, la guerre et la paix, la grandeur et la décadence a vraiment vécu.
Lu et déposé dans un tiroir de mon bureau le 22 octobre 2025
La supplication
Tchernobyl,
chronique du monde après l’apocalypse
Svetlana ALEXIEVITCH
Édition J’ai lu
Dépôt légal juillet 2004.
Page 250
Alor, nous l’attendrons ensemble. Je réciterai en chuchotant ma supplication pour Tchernobyl et lui, il regardera le monde avec des yeux d’enfant…
Valentina Timofeïvna Panassevitch,
épouse d’un liquidateur.
Lu et déposé dans un tiroir de mon bureau le 24 octobre 2025
La garde Blanche
Mikhaïl BOULGAKOV
Édition Le livre de poche
Dépôt légal n°1897. 3e trimestre 1972.
Page 98
Soit : ici, les Allemands, et là-bas, de l’autre côté du lointain cordon, vers les forêts bleues, les bolchéviks. Rien d’autre que ces deux forces.
Une lettre ne devant plus se refermer sans une citation personnelle qui vaut parfois mille mots.
Le style scriptural d’un individu révèle une grande partie de l’organisation de sa pensée et apporte des indices révélateurs sur sa manière de concevoir l’existence, ses rapports sociaux, le sentiment amoureux et l’intimité la plus absolue.
Raisonnablement, avec prudence, droitement, avec une courtitude de sprinter, sobrement, en allant droit au but, maladroitement, de manière impardonnable, mièvrement, avec une reproductibilité égale à elle-même de manière systématiquement prévisible, somniférien, etc.



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